Depuis que nous sommes en Algérie, la vie est plus facile à tous les niveaux. Papa et Maman sortent un peu. Mais les cocktails mondains ne sont pas leur distraction préférée.
Maman se lie avec nos institutrices, choisit ses amis sans se préoccuper du grade, et se fait copine avec une femme qui n’a presque jamais habité la France, a vécu la plus grande partie de sa vie en Indochine, loin d’être Bcbg, toujours à rigoler et à fumer leurs clopes ensemble. Puis elle monte une chorale à l’église.
A la messe de Pâques, tous les snobs sont là, bien obligés de s’incliner, au sens propre comme au figuré. Il faut dire que le père Korner, Père blanc qui dirige le clergé catholique de Béchar, chante faux comme une casserole. Il est ravi de cette initiative. Et cette magnifique église blanche, véritable monument historique du 20è siècle, objet de fierté encore actuellement1, mérite bien une messe solennelle. Ce fut fait.
Photo Pepa Sanchez
Je ne saurais pas dire de quoi je suis le plus imprégnée à ce moment-là, le recueillement ou la musique des voix féminines si belles, si accordées. Les deux sans doute, les unes transcendant l’autre. Les gens s’arrêtent dans la rue pour écouter. A la sortie, tout le monde se presse autour des choristes pour les féliciter. Sans chercher le triomphe, Maman l’obtient. Ceux qui cherchent à l’humilier en sont pour leurs frais. Maman a retrouvé à cette chorale un peu de sa jeunesse : le plaisir de chanter et l’amitié.
Béchar intérieur de l'église – Photo ABC
Mais ce n’est pas tout. Non contente d’avoir transformé notre messe de Pâques en concert, elle réussit à convaincre le Père Korner d’aller supplier la mairie de Béchar pour autoriser la sonnerie des cloches. En effet, elles sont interdites depuis l’indépendance et il semble impossible d’obtenir cette permission. Pas tellement à cause du côté catholique ostensible, quoi que le muezzin n’eût qu’à bien se tenir quand elles se sont mises en branle, mais parce que le clocher est plus haut que le minaret de la mosquée, ce qui ne plaît guère aux imams locaux.
Cette sortie de messe est un événement quasi historique. Après l’enchantement des cantiques, le carillon se met à sonner à toute volée, comme il se doit après la Semaine sainte, pour que tous se réjouissent et que les œufs en chocolat arrivent dans les jardins. L’attroupement se fait plus dense devant l’église, les badauds musulmans, catholiques, athées, ensemble dans une même surprise ravie.
Béchar, l’église – Photo DR
Maman dit que le son des cloches et la verdure sont ce qui lui manque le plus en Algérie.
1 N.D. du Sahahra est devenue la mosquée principale. Elle est sur toutes les cartes postales de Béchar encore en 2006.
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