

Correspondance d'Auguste
à ses compagnons de collection à Vieux-Thann
Chers collègues,
En souvenir de notre apprentissage, je vous redis ma fraternité dans l'art du rire.
C'est un honneur pour nous que des collectionneurs s'entourent de pitres, s'assurant ainsi de nombreux sourires, bien utiles quand le moral est en baisse. Impossible de broyer du noir en regardant ces visages hilares, aux couleurs exagérément soulignées, aux nez rouges, aux vêtements trop grands, sauf le pantalon -semblable à celui des amateurs de pêche aux moules - et le côté criard de l'assemblage vestimentaire qui font rire avant

A elles seules, les chaussures méritent quelques commentaires : trop larges, très longues, brillantes sur le sable de la piste, elles définissent le clown autant que le nez rouge, les gags, les chutes simulées, les phrases prononcées avec emphase, très attendues par les enfants.

Le jeune auditoire ne sait pas le nombre de répétitions nécessaires pour créer l'ambiance - les grandes personnes non plus d'ailleurs - surtout quand quelques instants de silence précèdent le son si pur d'un violon qui jour l'air de La Strada. C'est toujours la même émotion !

Et sait-on que derrière ces visages maquillés, ces perruques hirsutes, se cache un être au coeur tendre, souvent bien triste ? Chaque numéro de clown est un défi à la morosité, à l'abattement, au chagrin. C'est pour cela que le Clown blanc et l'Auguste apportent un regain de courage lorsqu'ils passent dans les chambres d'enfants dans les hôpitaux.
Même s'ils ne le disent pas, les personnels soignants apprécient cette séquence hilarante qui sert de soupape de décompression durant un petit moment.
Notre Confrérie de la Faculté d'en rire sait que chez de grands handicapés on trouve ce désir de vivre dans une fraternité de souffrants, cet espoir rivé au corps car, demain matin, un autre jour se lèvera.
Jeanine au grand coeur m'a apporté chez Pierrette où j'ai rencontré là une ambiance aimante comme à Vieux-Thann. Là aussi l'humour contribue à tenir bon, à accepter que demain sera peut-être pas facile à subir mais il y aura un courrier, un coup de téléphone, une visite, un message de soutien, une présence aimante de l'entourage, une petite étoile, qui relancent l'espérance.
Debout près du téléphone, avec mon chapeau jaune sur une perruque blanche, les bras ouverts comme une présence tutélaire, et mon sourire durable, je demeure témoin d'une fraternité née de l'épreuve et je remercie Jeanine de m'avoir déménagé aux Pléïades, dans une famille où l'on n'a collectionné que les enfants, et pas seulement ceux du livret de famille.
La grande famille des clowns et celles des souffrants se rejoignent pour tisser les tapis du trempoline qui fait rebondir pour privilégier les enfants, les petits-enfants et leurs enfants, qui sont un moteur de vie.
Avec un merci chaleureux,
Pierrette, mars 2007
« Un clown est un poète en action »
– Henry Miller
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